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Concerts et conférences

On 28, sept 2012 | In | By admin

Conférence / La chanson traditionnelle française

Guillaume Veillet nous emmène à la découverte du répertoire traditionnel. En quoi la chanson de tradition orale diffère-t-elle de la chanson « d’auteur » ? Qui sont les chanteurs de tradition et comment leur savoir a-t-il été préservé et mis en valeur ?

De l’aubade à la sérénade

La chanson traditionnelle française

Avant-propos

 Les notions de chanson traditionnelle et  de chanson populaire ne sont pas forcément synonymes. On a tendance à associer chanson populaire à chanson nouvelle : une chanson récemment composée capture l’attention du public, se répand dans tout le pays (via le disque, la radio, ou de nos jours les nouvelles technologies…), figure en tête des hit-parades… bref, elle est « à la mode », avant de progressivement « passer de mode ». Si elle ne disparaît pas des mémoires, on a tendance à l’associer à l’époque où elle a été lancée : L’école est finie de Sheila évoquera à jamais les « yéyés » et les années 1960, Les roses blanches nous ramèneront toujours à Berthe Sylva et aux années 1920, etc.

Les chansons traditionnelles, elles, sont certes populaires dans le sens où elles viennent du peuple. Toutefois elles s’inscrivent dans une temporalité et un contexte de transmission bien différents.

Essai de définition

Si de nombreux auteurs se sont intéressés à la nature et aux origines supposées de ce répertoire, c’est le chercheur autodidacte Patrice Coirault (1875-1959) qui en a livré l’analyse la plus fine, basée sur des décennies de lectures et d’observations. S’il est impossible de résumer en quelques lignes son œuvre, on peut en tirer quelques caractéristiques de ce que nous appelons chanson traditionnelle et que lui appelait chanson folklorique (de l’anglais folk –peuple- et lore -savoir-) :

- c’est une chanson ancienne, qui nous vient d’une société aujourd’hui disparue, avant la démocratisation de l’instruction. A partir du début du XIXe siècle, même si cette chanson continue d’être chantée (il est toujours  possible d’en recueillir sur le terrain en ce début de XXIe siècle !), il arrête de s’en créer de nouvelles. C’est principalement le monde paysan qui en a été -parfois jusqu’à nos jours- le conservatoire.

- c’est une chanson traditionnelle dans le sens où elle s’est transmise de manière souvent uniquement orale, sur plusieurs siècles et plusieurs générations.

- du fait de cette transmission orale, chaque chanson a une multiplicité de versions, dont les paroles et souvent la mélodie varient légèrement… sans qu’aucune de ces versions ne soit la « véritable » ou l’ « authentique » : toutes sont le fruit d’un processus d’écriture/de réécriture collective, à partir d’une lointaine version « lettrée » de départ dont on a souvent perdu la trace.

- ces chansons sont françaises : il en existe toujours des versions en français commun, même si on a pu en recueillir sur le terrain des versions dans des langues gallo-romanes proches du français (occitan, francoprovençal, langues d’oïl, piémontais, etc.).

- ainsi ces chansons sont chantées dans tout le domaine français (la France dans ses frontières politiques actuelles, mais également les régions francophones frontalières comme la Wallonie ou la Suisse romande, ou encore les populations francophones d’Amérique du Nord). Ainsi, une chanson répondant à ces caractéristiques et recueillie en Berry, par exemple, n’est pas une chanson « régionale berrichonne », mais une simple version chantée en Berry d’une chanson qu’on retrouvera dans d’autres régions.

Thématiques et vocabulaire

Une oreille exercée reconnaîtra à coup sûr une chanson transmise par la tradition orale :

- les thèmes abordés sont inspirés par la vie quotidienne et décrivent des situations concrètes, sans cesse ressassées mais dont l’issue peut varier : un jeune soldat part « servir la patrie » et en informe sa fiancée (selon les versions il lui promettra fidélité éternelle ou la laissera « dans l’embarras, avec un enfant sur les bras ») ; un militaire revient au pays et sa femme, l’ayant cru mort, s’est remariée (il provoquera son remplaçant en duel ou, tel le « brave marin revenant de guerre », partira rejoindre son régiment, laissant sa femme à sa nouvelle vie)…

- les chansons sont faites d’expressions stéréotypées, de « clichés poétiques » interchangeables : une fontaine est « claire » (« À la claire fontaine, m’en allant promener »…) ; un « galant » prend sa « maîtresse » par sa main « blanche » (« Et je l’ai prise par sa main blanche, sur mon cheval je l’ai montée ») ; la mer est « jolie » (« Belle embarquez sur mon joli navire, le long de la mer, de la jolie mer jolie ») ; un rossignol est « sauvage » ou « du bois joli » (« Rossignolet du bois, rossignolet sauvage, apprends-moi ton langage, apprends-moi à parler, apprends-moi la manière comment il faut aimer »)…

- souvent l’action de la chanson ne commence qu’après une ou plusieurs formules appelant l’auditoire à l’attention (selon des procédés qui invoquent immanquablement les chanteurs de rue ou du Pont-Neuf) : « Approchez pour entendre, la chanson d’une fille » ; « Qui veut ouïr chanson, chansonnette jolie » ; « Approchez tous pour écouter, l’aimable compagnie »…

Toutefois ces formules introductives peuvent aussi identifier de la façon la plus simple possible les protagonistes et le lieu de l’action (« Sont les filles de La Rochelle, qui ont armé un bâtiment » ; « Nous étions deux, nous étions trois, nous étions trois marins de Groix » ; « C’est dans Paris l’y a une petite couturière »…)

Contexte d’interprétation

 Jusqu’à une époque plus ou moins ancienne selon les régions et les catégories sociales, la chanson traditionnelle fait partie intégrante de la vie :

- elle est « l’art des humbles » pour reprendre l’expression du folkloriste savoyard Claudius Servettaz (1871-1926). Avant l’arrivée de la radio, du disque puis de la télévision dans chaque foyer, elle est sur toutes les lèvres.

- elle accompagne notamment le travail et est utilisée pour rythmer l’effort dans certaines circonstances : chansons à « curer les rins » des marins terre-neuvas ; chansons de moissons de l’avant-pays savoyard ou de l’Agenais ; chansons pour « battre l’aire neuve » (applanir le sol en terre battue des maisons) en Bretagne…

- elle est aussi chantée pour le plaisir dans un contexte de convivialité (repas de noce, veillée, etc.) : «  On allait faire les foins dans les montagnes et puis le soir(…) on couchait sur le foin, hein ! On n’avait pas des lits ! Et puis, en attendant, parce qu’on avait mangé pendant que ça faisait jour… parce qu’il n’y avait pas de lumière, il n’y avait rien, juste la petite bougie ! Et puis ensuite, on était tous ensemble et on chantait ! » (témoignage d’Angèle Vulliez, chanteuse de tradition savoyarde née en 1915, au micro de Jean-Marc Jacquier en 1994).

- elle peut également faire danser. Il existe en France beaucoup d’exemples de danse sur des chansons, sans accompagnement instrumental : famille des « branles » anciens qui inclut notamment la dañs tro ou gavotte du Centre-Bretagne ; bourrées à la voix d’Auvergne, du Limousin ou du Rouergue ; avant-deux « gavottés » de l’Ouest de la France, etc.

Histoire et actualité de la collecte

On connaît bien la chanson traditionnelle française grâce au travail de plusieurs générations successives de chercheurs depuis près de deux siècles :

- c’est dans la première moitié du XIXe siècle, à l’époque romantique que se développe en France un intérêt des classes les plus aisées et les plus cultivées pour les chansons de tradition orale recueillies dans le monde rural. Gérard de Nerval ou George Sand, par exemple, en sont de bons connaisseurs. En 1839, Théodore Hersart de La Villemarqué sort la 1ère édition de son Barzaz Breiz, à partir de ses collectes en Bretagne.

- en 1852, le ministre de l’Instruction Publique et des Cultes, Hippolyte Fortoul, lance l’idée de la publication d’un Recueil général des poésies populaires de la France.  Un Comité centralise à Paris les contributions collectées partout en France par un réseau d’enseignants, principalement, ainsi que quelques érudits locaux.  Le recueil prévu ne paraitra jamais mais l’initiative a toutefois pour mérite de donner le goût du terrain aux correspondants du projet et à bien d’autres, qui publient parfois eux-mêmes le fruit de leurs collectes.

- c’est l’époque  des musiciens-collecteurs, qui sillonnent les campagnes à la recherche de chansons, qu’ils transcrivent crayon en main, paroles et musique, sous la dictée de leurs informateurs. Les nombreux ouvrages publiés ont l’avantage de rendre disponible un abondant répertoire. Citons le travail d’Ernest Gagnon (1834-1915) au Canada, de Jérôme Bujeaud (1834-1880) dans les Provinces de l’Ouest ou d’Achille Millien (1838-1927) en Nivernais.

- l’invention du phonographe permet d’enregistrer les chanteurs. Dès 1900, le docteur Azoulay enregistre des interprètes de diverses origines lors de l’Exposition Universelle de Paris, dont des Basques et des Bretons. Parmi les autres enquêtes marquantes de la première moitié du XXe siècle : celles de Ferdinand Brunot dans les Ardennes belges et françaises en 1912, puis dans le Berry et le Limousin en 1913, ou encore la campagne d’enregistrements dans les Alpes du Sud et en Provence menée par Roger Devigne en 1939.

- créé en 1937 par Georges Henri Rivière, le Musée National des Arts et Traditions Populaires (MnATP) va accomplir un énorme travail de collecte après la Seconde Guerre Mondiale. Deux chercheuses, Claudie Marcel-Dubois et Maguy Pichonnet-Andral, réalisent pour le compte du musée de nombreuses enquêtes sur les traditions musicales du domaine français pendant plus de quatre décennies.

- à partir de la fin des années 1960, sur un modèle apparu quelques années plus tôt aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des jeunes, souvent d’origine urbaine, se prennent de passion pour les musiques et danses du monde rural. Par centaines, ces collecteurs d’une nouvelle génération partent à la recherche de chanteurs et de musiciens (violoneux, vielleux, cornemuseux, accordéonistes…) ayant fait danser dans les bals et les noces du monde rural. Ils tissent bien souvent des liens très forts avec eux et s’approprient leur répertoire pour faire leur propre musique. Des milliers d’heures d’enregistrements sont amassées un peu partout dans le pays, de manière autodidacte et spontanée.

- les enquêtes de terrain continuent aujourd’hui, héritières de l’enthousiasme des années 1970, mais avec une rigueur nouvelle, du fait de l’élévation du niveau de connaissances sur ces musiques. Un riche répertoire est disponible pour les jeunes générations. À elles de découvrir le plaisir d’interpréter ces chefs-d’œuvre de la poésie populaire que sont les chansons traditionnelles.

Guillaume Veillet
Journaliste et chercheur spécialisé en musiques traditionnelles.
Concepteur de France, une anthologie des musiques traditionnelles (Frémeaux & Associés, 2009).